De grands
ateliers vides qui résonnent. Des réservoirs métaliques remplis de boulons. C'est l'image nette - maus unique - qui me reste de Mai 68. L'entreprise d'Issoudun dans l'Indre -
la MECI - où travaillait mon père comme électromécanien était en grève et occupée par les ouvriers. Mon père était responsable CFDT dans cette usine qui fabriquait des fours et des tableaux
électriques.
Plus tard, il y aura ces chants, gravés sur un 45 tours qui était interdit à la vente : Chacun de vous est concerné ou encore La pègre. On les écoutait sur un vieux tourne-disque entre Ferrat et Le Forestier.
Pour le reste, perdu dans cette petite ville de provience où on allait encore chercher du lait à la derme, n'ayant pas la télé, la chaude actualité parisienne n'arrivait pas jusque dans mon
univers même si mes parents devaient sans doute y être très attentif.
Plus tard enfin, j'apprendrai que cette période fut très dure pour mes parents financièrement parlant. Ma mère ne travaillait pas et mon père ne rapportait plus de salaire à la maison. Ce fut le
temps de vaches maigres.. et de la solidarité de toutes celles et ceux qui ont permis à un famille de trois enfants de vivre.
Aujourd'hui, Mai 68 symbolise à mes yeux la politique pas seulement conservatrice mais réactionnaire de la droite française de XXIe siècle. Les discours de Nicolas Sarkozy sont tout à fait
clairs à ce sujet. Mais à écouter certains discours ou à analyser certaines décisions, on constate avec effarement que le "désir de passé" de la droite française va bien au delà. L'esprit
revanchard qui l'anime renvoit l'incite parfois à vouloir remettre en cause le Front populaire et - au delà - la Révolution française elle-même, comme le prouve la tentative du président de la
République de remettre en cause le principe fondamental de non-rétroactivité des lois.